Nous sommes à la fin de l'année 1602. Antoine
de Sillans III vient tout juste de célébrer son mariage avec Sylvie de Rohan,
la fille du prince de Guéméné, le 28 août 1602.
Depuis plusieurs mois, des travaux ont été entrepris sur l'église de Creully, non loin de la résidence des de Sillans. Un tailleur de pierre du nom de Jean Connin, assisté par un apprenti nommé Symon Houdée, œuvrait sur le côté sud de l'église pour réparer le « pas de chat » au sommet d'un mur de refend qui surplombait les deux toits. Ce mur devait se conclure en son point le plus bas par une sculpture évoquant les modillons.
Cependant,
ce maître d'œuvre ne jouissait pas d'une réputation favorable. Il poussait des
cris stridents, rappelant ceux d'un lapin effrayé. Souvent, ces cris étaient
dirigés vers Symon, qu'il qualifiait de paresseux.
Un
jour, au moment de l'angélus du matin, un habitant de Creully interpella le
tailleur de pierre qui maniait son burin sur une pierre extraite d'une carrière
voisine du chantier : -« Arrête de radoter, pauvre Connin ! Tu t'en prends
constamment à ton apprenti qui ne demande qu'à apprendre. Au lieu de crier,
écoute ce que l'on dit sur toi. On raconte que tu te lèves la nuit pour
déplacer les pièges posés par d'autres. Ne serais-tu pas un voleur ? » Connin lança
une pierre en direction de l'homme qui venait de lui parler, puis continua son
chemin en direction des halles près de la place. -« Je ne suis pas un voleur »,
marmonna le tailleur de pierre. Quelques jours plus tard, un tanneur rentrant
de la tannerie située le long du bief de la Seulles, à proximité d'un moulin,
accusa le tailleur de pierre de vol dans les caves du Bourgay.
Une
vieille dentellière sortant de l'édifice religieux fut insultée par Connin, qui
plaçait une tête de pierre en bas du « pas de chat » : -« Comme tous les autres
de ce coin, tu es simplement une vieille qui ne fait que prier pour toi et les
tiens, sans penser à nous, les bâtisseurs de cathédrales. Dieu nous
reconnaîtra, nous. »
- « Tais-toi, sale voleur », cria la femme. «
Si je suis un voleur, que Dieu me change en pierre », répliqua le maître
tailleur tandis que son apprenti se divertissait de ces récits.
Un
matin, maître Connin ne réapparut pas. Il avait mystérieusement disparu. La
surprise fut grande de découvrir, en lieu et place de la tête posée par le
tailleur de pierre, une sculpture représentant un lapin en pierre.
Les habitants de Creully pensèrent que Dieu avait exaucé Connin, le tailleur de pierre.
L’on raconte que le jour de l’ouverture de la chasse, les chasseurs qui regardent en passant près de l’église le lapin, feront une bonne chasse et n’auront pas à mentir.