Creully - La fontaine Verrine

Au mois d'avril 2007, je vous ai conté l'histoire arrivée à Pierre Josse.
La Dame verte lui est apparue non loin de la fontaine Verrine, entre Creully et Saint Gabriel.
Merci à François Gabillard pour cette photo datant de 1912.

La fontaine Verrine voit le jour sur les terres du Bourgay à Creully.
"On disait que de la fontaine Verrine, qui naît dans l'un des herbages voisins, sortait parfois une vapeur qui prenait en s'élevant des formes étranges, jusqu'à paraître une nymphe aérienne ornée de longs voiles de bruine que le vent em­portait en les effilochant. On l'appelait la Dame Verte, parce qu'on pouvait à la rigueur la confondre avec les taches mou­vantes de lumière que la lune dessine dans l'épaisseur des feuillages."

Anatole et le "bon baire"

Une maison aux murs de pierres, de la pierre de Creully extraite du sol non loin de là. Un toit où la mousse semble être le lien entre les ardoises. Une cheminée d'où un filon grisâtre s'élevait vers le ciel.
Avant de pénétrer, invité par le propriétaire du lieu, dans cette petite habitation normande, j'ai traversé un potager impeccable, la mauvaise herbe ne doit pas avoir raison de celui qui le cultive.
Cet amoureux du sol normand et de ce qui y pousse, est âgé de 72 ans, mais bien alerte. Anatole, le père Rouillaut comme on le nomme dans la contrée, ne veut pas être qualifié de normand, mais fier de l'être, il se dit «bon vieux bas-normand». Il y a une nuance.
- Je n'ai rien contre la Haute-Normandie, me dit-il, pour moi, c'est loin car je n'ai pas été plus loin que Lisieux, et il y a bien longtemps.
Me voilà dans un lieu où on se sent bien. Franchir la porte en bois à demi vitrée c'est revenir de nombreuses années en arrière.
Anatole Rouillaut me demanda d'entrer :
- Vous êtes chez vous.
J'étais déjà par la pensée dans un milieu où l'on ressent, malgré un semblant de pauvreté, un certain bien-être ; un bien-être de chez nous ; un bien-être bas-normand.
Tous les objets se tournent comme Anatole vers la cheminée de pierres, noircie par les temps, dominée par un vieux fusil.
- Vous voyez, ce fusil, c'est un cadeau de mon premier patron, jamais je m'en suis servi, j'aime trop les animaux.
C'est par un hasard que je fis connaissance avec cet homme, veuf depuis une dizaine d'années. En me promenant dans les environs de Creully, je dus lui demander un renseignement sur une vieille bâtisse en ruines et il m'en donna beaucoup plus. Il prenait plaisir à me décrire sa région, son monde à lui. Dès qu'il sut que j'étais natif de Creully et le fils à Lucien, il me proposa de revenir le voir «un de ces jours».
Ce que je fis en cette journée d'août.
L'homme ouvrit un petit placard placé à gauche de la cheminée pour en retirer deux verres, puis il sortit de la pièce pour y revenir avec une bouteille de cidre bouché.
- Goûtez, on se relèverait la nuit pour en paire, me dit Anatole en versant le pur jus. (Bon normand, dans ses dires, le patois y a parfois bonne place).
Mon verre était à peine bu que : Il a un petit goût de r'venez-y, mon gars.
Ma réponse affirmative eût pour effet que le plein de mon verre fut une nouvelle fois fait.
Le Père Rouillaut se mit à me parler de son cidre puis du cidre en général avec des mots qui ont une odeur, celle de sa région, de son univers.
Ainsi, j'ai appris que si l'on va saigner la bique, c'est que l'on va tirer du cidre nouveau.
Si vous versez un verre de cidre, s'il fait des bulles, on dit qu'il récite son chapelet.
Dans le cas où ce breuvage aurait de la couleur, mais pas de goût, vous pourriez vous exclamer que c'est de l'eau pannée.
Par contre, celui d'Anatole est bien agréable au palais. Je lui dis et il me répondit après avoir posé son verre :
- Dans ce cas, on dit qu'il est bien bouchu.
Je suis là assis devant une vieille table de chêne, comme un élève qui écoute avec attention un cours sur le cidre avec des expressions que je prends plaisir à vous transmettre.
- Un cidre sans eau est une boisson où les guernouilles n'ont pas pissi dedans.
- Bien alcoolisé, il n'faudrait pas jouer avec et il f'rait jouer l'père et la mère.
- Un cidre fait avec des pommes volées la nuit sous une lune de grande clarté est un cidre du clai d'Ieune.
Le cidre se boit, se boit même bien (une deuxième bouteille se vidait sur la table). D'un bon buveur on disait qu'il bait un bon coup, depuis qu'il est sevré ou qu'il a l'gavion qu'a d'Ia vallée.
Le bon cidre comme les bonnes histoires ont une fin. Après la visite de sa cave où trônait un magnifique tonneau je quittais Anatole Rouillaut sans oublier de le remercier mais aussi de lui promettre de le retrouver dès que le temps m'en laissera le plaisir.

La maison des Colbert de Creully

  La maison de COLBERT est du nombre de celles dont les noms, associés d'une manière ineffaçable aux principaux événements de notre histoire, ne se rappellent jamais sans réveiller d'honorables souvenirs.

Jean-Baptiste Colbert, IIème marquis de Seignelay, de Château- neuf sur Cher, et de Lonray, comte de Creullyet de Darnetal, vi­comte de Ligny, baron de Sceaux, Linières, la Luthumièrc, Cheny, Baumonl, Ormoy, seigneur de Blainville, dc Châtenay, de Fontenay, du Plessis-Piquet et de Châtillon, naquit à Paris, en 1651 .Son père le forma de bonne heure aux affaires, et lui obtint la survivance de sa charge de secrétaire d'état au département de la marine, le 18 février l669. Le jeune marquis de Seignelay avait reçu de la nature un esprit capable de concevoir les plus grandes choses. Dès l’âge de 25 ans, il dirigeait seul le ministère de la marine, et ce fut sous son administration qu'elle devint la plus formidable de l'Europe. En 1684, les Génois, alors alliés de de la France, avaient construit quelques frégates pour la marine espagnole. Louis XIV leur fit défense de les lancer à la mer. Sur leur refus d'obéir, le marquis de Seignelay, comte de Creully, fit équiper une flotte à Toulon, sous le com­mandement de Duquesne, s'y embarqua, parut devant Gênes, au mois de mai, et fit aussitôt bombarder cette ville. Ce peuple fut obligé de s’humilier, et le marquis de Seignelay ramena en France le doge et quatre sénateurs, qui firent à Louis XIV toutes les satis­factions que ce monarque exigea d'eux. Vers le même temps, les Barbaresques, qui infestaient les mers, furent contenus et réprimés, et le  pavillon espagnol obligé de réparer des dommages causés à notre marine marchande dans les Indes occidentales. Lors de la guerre de 1688, le marquis de Seignelay s'embarqua de nouveau sur la flotte destinée à marcher contre les forces combinées des Anglais et des Hollandais. Il fut nommé ministre et secrétaire d’é­tat au mois d'octobre1689. Quoique déjà atteint de la maladie de langueur qui devait bientôt le conduire dans la tombe, ce fut lui qui, vers le printemps de l'année suivante, dirigea le nouvel arme­ment auquel on dut le gain de la bataille glorieuse livrée aux flottes combinées à la hauteur de Dunkerque, le 10 juillet1690. Le mar­quis de Seignelay mourut à Versailles, le 3 novembre suivant, dans sa trente-neuvième année, universellement regretté, et particu­lièrement des officiers de marine, qui admiraient également l'éten­due et la précoce maturité de ses connaissances, et l'énergie de son caractère. Dans les quatorze années que dura son administration, y il acheva d'élever la marine et le commerce au plus haut degré de splendeur. Il avait épousé :1- le 28 février 1676, Marie-Marguerite, marquise d'Alègre, morte le 16 mars1678, n'ayant eu qu'une fille, Jeanne Colbert, décédée en bas âge, le 15 avril 1680.
Il se remaria le 6 septembre 1679, avec Catherine-Thérèse de Matignon, comtesse de Gacé, marquise de Louray. Ils eurent :
- Marie-Jean-Baptiste, Colbert ;
-Paul-Édouard Colbert,
Paul-Édouard Colbert, comte de Creully, duc d'Estouteville, baron de la Luthumière, seigneur d'Yvetot, etc., maréchal des camps el armées du roi. Il naquit en 1686, entra aux mousquetaires en 1701, se trouva aux combats de Nimègue et d'Eckeren en 1702 et 1703, et obtint, le 2 juillet de cette derrière année, une compagnie dans le régiment de Champagne, qu'il alla rejoindre à l'armée de Bavière. Il commanda cette compagnie à 1a première bataille d’Hochsted au rooia de septembre. Devenu maître-de-camp-lieutenant du régiment Royal-Dragons le 12 mai 1704, 1e comte de Creully commanda ce corps à la bataille de Ramillies en 1706, en Flandre en 1707, à la bataille d’Oudenarde en 1708, A celle de Malplaquet en 1709, en Flandre en 1710 et 1711, aux sièges de  Douet et du Quesnoy en 1712, de Lande  et de Fribourg en 1713 .On le nomma brigadier d’infanterie, puis maréchal-de-camp le 1er février 1719 et 20 février 1734.
Le comte de Creully est décédé à Paris sans enfants le 28 février 1756. Il avait épousé, le 25 juillet 1714, Agnès-Marie-Thérèse Spinola, des ducs de Saint-Pierre et princes de Melphe, princesse de Vergagne, morte le 7 septembre 1744. En deuxième noce, il épousa, le 1avril 1754, Agnès-Marie la Rochefoucauld-Langéac-Lascaris d’Urfé, morte le 1- juillet 1756.
Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, petite nièce de Paul-Edouard Colbert, voit le jour le 17 septembre 1752. Elle est décédée à Paris le 24 mars 1829 ; inhumée au cimetière du Père-Lachaise.
Le 21 septembre 1767 à Paris, Anne-Léon de MONTMORENCY épouse la duchesse Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, fille du duc Anne-François de MONTMORENCY-LUXEMBOURG (1735-1761) et de Louise-Françoise-Pauline de MONTMORENCY-LUXEMBOURG )1734-1818)
De ce mariage sont nés :
-Anne Charles François de Montmorency (1768-1846) duc de Montmorency.
-Anne Louis Christian de Montmorency (1769-1844), prince de Robecq, grand d’Espagne.
-Anne Louise Madeleine Elisabeth de Montmorency (1771-1828) épouse du duc Alexandre Louis Auguste de Rohan-Chabot.
-Anne Joseph Thibaut de Montmorency (1773-1818) comte de Montmorency.
1829, c’est la date de parution de l’ouvrage « Histoire des pairs de France » dont est tiré le texte ci-dessus.